Développer une culture du droit à l'erreur en entreprise pour des équipes apprenantes et innovantes

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October 26, 2023

La vision paradoxale du droit à l'erreur

Quand la chercheuse Amy Edmonson demande à des dirigeants de plusieurs secteurs : « Dans votre organisation, quel pourcentage des échecs devrait être considéré comme blâmable ? », leurs réponses oscillent entre 1 % et 5 %. Pourtant, lorsqu'elle leur demande : « Quel pourcentage des échecs est traité comme blâmable ? », ils répondent après un moment de silence ou avec un air amusé « entre 70 % et 90 %».

Nous sommes généralement d'accord sur le fait que l'échec nous enseigne autant, voire plus, que le succès. Bien que les organisations comprennent ce principe, elles ont souvent du mal à concrétiser cette idée. Même dans les entreprises les plus progressistes et bienveillantes, admettre un échec peut susciter un sentiment d'inadéquation et d'embarras. La capacité d'une organisation à apprendre est un avantage concurrentiel sur le marché actuel, et les équipes sont l'unité d'apprentissage centrale de toute organisation. Il n'est donc pas surprenant qu’une équipe qui sait gérer ses erreurs démontre fréquemment de meilleures performances d'équipe.

Personne n’aime échouer, pourtant l’échec est parfois inévitable, nécessaire et porteur de leçons.

Le blâme est coercitif. Il est facile et rapide. Apprendre d’un échec nécessite de la patience et de la détermination. À long terme, cependant, l'une de ces approches apportera des résultats positifs durables, tandis que l'autre sapera la cohésion de l'équipe, rendant moins probable que les gens reconnaissent leurs erreurs et moins probable que les organisations puissent en apprendre.

Les mythes du droit à l’erreur

1. Tout échec est le bienvenu

Le fait de se sentir autorisé à commettre des erreurs au sein d'une équipe ne signifie pas qu'on ne sera jamais tenu responsable. Dans son livre "L’entreprise sereine", Amy Edmondson parle de trois catégories d'échecs :

  • Évitables (jamais une bonne nouvelle)

Les écarts vis-à-vis des pratiques établies qui entraînent des conséquences négatives sont des échecs évitables. Par exemple, une blessure oculaire causée par quelqu'un qui néglige le port de lunettes de sécurité indiquées et disponibles dans une usine est un échec qui aurait pu être évité. Dans ce cas, la personne n'a pas respecté un ensemble clair de règles.

Pour instaurer un environnement d'apprentissage sécurisé, motivant et encourageant, il est crucial de sanctionner de manière appropriée les échecs évitables et contraires à l'éthique. La plupart des personnes raisonnables comprennent l'importance de certaines réglementations à but préventif.

Sanctionner la violation de ces règles est le signe d'un système qui valorise et applique la prévention et la gestion des erreurs. A condition que les échecs complexes et intelligents soient utilisés comme une source d'apprentissage et célébrés.

  • Complexes (pas encore une bonne nouvelle)

Lorsque plusieurs variables se combinent d'une manière qui n'a peut-être jamais été observée auparavant, des échecs complexes peuvent survenir même dans des circonstances bien connues. Les échecs complexes peuvent parfois, mais pas toujours, être évités en étant particulièrement attentif.

Prenons comme exemple une modification involontaire du format de date effectuée par un développeur, qui n'a pas été détectée comme une erreur lors de la procédure de révision du code et des tests. Dans de tels cas, il est important de comprendre ce qui s'est mal passé dans le processus afin de prévenir de futures occurrences.

  • Intelligents (pas fantastiques, mais positifs en raison de leur valeur ajoutée)

A contrario, les échecs intelligents, comme leur nom l'indique, doivent être célébrés afin de favoriser leur multiplication. Ils sont le résultat de prises de risques intelligentes et créatives dont on peut apprendre. Des organisations telles que Google, favorables au droit à l’erreur, ont ancré la célébration de l'échec dans leur culture et sont familières avec la notion d'échec intelligent. Ces échecs intelligents se manifestent sous différentes formes au sein des organisations et peuvent être désignés comme des "lancements pilotes de produits", des "sessions de retours d'expérience client" ou des versions bêta de logiciels.

Même en cas d'échec, le succès de ces initiatives réside souvent dans la capacité à apprendre et comprendre comment, pourquoi et ce qui a dysfonctionné lors des différentes étapes et non à attribuer cet échec à quelqu’un.

La leçon à retenir ici n'est pas de passer outre les erreurs, mais plutôt de les traiter de manière constructive et appropriée.

Considérer les échecs complexes comme évitables est un problème récurrent dans les équipes qui ne sont pas dotées d'une attitude favorable au droit à l’erreur. Il s’agirait par exemple d’accorder plus d'importance au développeur qui a involontairement modifié le format de la date qu'à la procédure de révision du code et au test qui ont manqué cette erreur. Les membres de l'équipe deviennent progressivement moins enclins à prendre des risques, sachant qu'ils seraient injustement tenus pour responsables de problèmes hors de leur contrôle.

Sanctionner de manière appropriée les échecs évitables, résoudre collectivement les échecs complexes et célébrer les échecs intelligents créent un climat d'apprentissage où les personnes prennent des risques bien intentionnés, dans un état d’esprit créatif propice à des résultats innovants.

2. Le silence équivaut à l’absence d’erreur

Nous vivons une épidémie de silence sur le lieu de travail. Jusqu'à 85 % des personnes interrogées dans le cadre d'une étude ont déclaré avoir au moins une fois ressenti l'incapacité de soulever une préoccupation auprès de leurs supérieurs, même si elles estimaient que le problème était important. La crainte d'être perçu négativement ou étiqueté, ainsi que la peur de compromettre les relations professionnelles, étaient les deux justifications les plus souvent avancées pour garder le silence.

« Une culture du silence est une culture dangereuse »

Les recherches menées par Amy Edmondson et l'étude réalisée par Google dans le cadre du projet Aristote montrent que la capacité à être vulnérable, à prendre des risques interpersonnels dans son équipe - tels qu’admettre une erreur, poser des questions et émettre des idées - est un facteur clé qu’ont en commun toutes les équipes performantes. Ce facteur est bien connu sous le nom de sécurité psychologique. Le manque de sécurité psychologique peut se manifester sous la forme d'une culture du silence.

3. Les blagues innocentes

Parmi les équipes qui utilisent OpenDecide, certaines s’interrogent : “Notre manager ne nous blâme pas. Il/Elle encourage la prise de risque et réagit bien quand nous faisons des erreurs. Pourquoi avons-nous quand même l’impression de ne pas pouvoir prendre de risques interpersonnels dans notre équipe ?

La culture qu'une équipe se crée commence avec les petites interactions quotidiennes. Les plaisanteries pendant le déjeuner, les remarques au détour d’une conversation, la volonté de poser des questions "vulnérables". Dans cette optique, les conflits relationnels interpersonnels, les moqueries et l'incapacité à accepter les petits échecs routiniers peuvent avoir un impact sur la volonté des membres d’équipes d'admettre de plus grandes erreurs. Pour favoriser l'innovation et la créativité, il est presque souhaitable d'avoir des "conflits" de tâches mais pas des "conflits" relationnels.

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Comment mieux gérer les erreurs ?

🙋 Culture de l'humilité

Les dirigeants au sein des cultures de gestion des erreurs reconnaissent qu'ils font partie du système et assument la responsabilité de leurs propres erreurs, par ex. ne pas avoir communiqué de manière adéquate sur un sujet crucial ou avoir fait de mauvais choix. Ils n'exigent pas la perfection des autres ni d'eux-mêmes. Manifester publiquement son incertitude, poser ouvertement des questions et être disposé à recevoir les réponses, tout en montrant une ouverture à l'apprentissage, quel que soit le poste occupé dans l'entreprise, contribue à favoriser cette culture.

Pour un impact fort, la culture de l'humilité commence avec le leader. Celui-ci a la capacité d'encourager des comportements qui vont constituer les normes d'équipe. Lorsqu’un feedback est demandé par les membres d’équipe, assurez-vous de prendre le temps de leur fournir ces retours et félicitez-les d’y être ouverts. N'importe qui, à n'importe quel niveau de l'équipe, peut le faire. Demandez des retours d'informations et soyez ouvert à l'apprentissage grâce aux conseils de votre équipe.

Il faut beaucoup de courage à un employé pour signaler les possibilités d'apprentissage et d'amélioration au sein de l'organisation, ainsi que pour demander des informations sur des sujets "qu'il devrait déjà connaître". Les leaders peuvent faciliter l'humilité au sein de leurs équipes en appréciant les efforts fournis et en équilibrant leurs retours d'informations.

🧐 Prévention des erreurs complexes et évitables

Adopter le droit à l’erreur ne signifie pas ignorer les étapes clés de la prévention des erreurs. Les deux vont de pair. Minimiser les erreurs évitables et complexes peut se faire grâce à des actions simples telles que l'établissement d'un emplacement clair pour la documentation d'équipe, la création d'enregistrements vidéo des processus ou l'utilisation de logiciels favorisant la collaboration.

D'autres exemples incluent les formulaires d'incident et les réunions régulières dédiées à la "célébration des erreurs" avec l'équipe. Cela contribuera à créer une culture où chacun, et pas seulement les héros solitaires ou les méchants, peut contribuer à la résolution des problèmes et à la prévention future.

👥 Capacité d’introspection collective

Revoyez ensemble ce qui s'est mal passé. Les retours d’expérience sont extrêmement courants dans les domaines militaires, de la santé et de la médecine, et de plus en plus d'entreprises les adoptent. Elles sont positivement associées à divers indicateurs de performance d'équipe, notamment la réduction des erreurs, l'innovation et l'efficacité globale. L'objectif est de résoudre les problèmes en examinant le contexte de travail, l'infrastructure et les processus en place qui ont pu conduire à cet échec.

Les leaders et les membres de l'équipe doivent adopter un état d’esprit bienveillant, consacrer du temps et mettre en place des outils pour mettre en œuvre cela. L’importance accordée au travail d'équipe favorise les opportunités d'apprentissage collaboratif ainsi que la reconnaissance collaborative. En partageant les apprentissages et les meilleures pratiques, l'équipe peut également se soutenir et se motiver mutuellement, contribuant ainsi à lutter contre la baisse de l'estime de soi.

L’idée est de se préoccuper du “pourquoi” quelque chose s’est produit et non de “qui” est responsable. 

Dépasser la barrière de la peur : accueillir l’échec pour réussir et innover 

Les cadres supérieurs s'inquiètent fréquemment (on peut les comprendre) que le droit à l’erreur favorise un environnement de travail où tout est permis. Au lieu de cela, en reconnaissant que l'échec est inévitable, grâce à un leadership solide, ils peuvent créer une culture d'apprentissage collectif et mieux gérer les erreurs. Reconnaître régulièrement les revers de toutes envergures, les évaluer attentivement et encourager les opportunités d'expérimentation et d'innovation y contribuent. Les retours d’expérience, la culture de l'humilité et les processus de développement axés sur l'équipe font partie des outils de gestion des erreurs.

Dans les environnements en constante évolution et à haut risque, où les équipes comptent sur la capacité de réagir rapidement, de s'exprimer et de signaler les erreurs dans l'intérêt d'une prestation de services immédiate, la prévention des erreurs et la gestion des erreurs sont bénéfiques, mais les deux doivent aller de pair. Les climats organisationnels caractérisés à la fois par la prévention des erreurs et la gestion des erreurs favorisent le travail d'équipe, la pensée innovante et la résolution créative des problèmes, qui sont tous cruciaux pour la prospérité des organisations.

Les organisations devraient se soucier de la capacité des individus à apprendre de leurs erreurs, car l'enjeu ne se limite pas seulement à la possibilité de manquer des informations potentiellement menaçantes, mais inclut aussi le risque de perdre des idées créatives pour des solutions innovantes.

La peur anéantit plus de rêves que l'échec en lui-même.

Références de l'article : 

"Add Humility to Your Error Management Toolbox." AOM Insights, , pp.

Edmondson, A. C. (2018). The Fearless Organization: Creating Psychological Safety in the Workplace for Learning, Innovation, and Growth. John Wiley & Sons. 

“Duhigg, C., “What Google Learned From Its Quest to Build the Perfect Team”, The New York Times Magazine, 25 février 2016.”

“Milliken, F.J., Morrison, E.W. et Hewlin, P.F., “An Exploratory Study of Employee Silence: Issues that Employees Don’t Communicate Upward and Why”, Journal of Management Studies n° 40.6 (2003), p. 1453-1476.”

A propos de l'auteur

Emilia Keegan, directrice scientifique

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